Les fabricants s’unissent face à l’UE : une norme difficile à respecter ?

12 décembre 2024 Assurance Auto

Les constructeurs automobiles européens sont actuellement confrontés à une crise inédite provoquée par le durcissement des normes édictées par l’Union européenne (UE). Ces nouvelles règles, destinées à réduire les émissions de CO2, entreront en vigueur en janvier 2025. Elles imposent une baisse de 15 % des émissions moyennes autorisées pour les véhicules neufs, un objectif qui menace de bouleverser l’industrie européenne si les constructeurs ne parviennent pas à s’y conformer, notamment avec de très lourdes amendes pouvant atteindre plusieurs milliards d’euros. Éclairages.

Une norme ambitieuse et ses conséquences

Déjà en vigueur depuis 2020, la norme CAFE (Corporate Average Fuel Economy) impose aux constructeurs de respecter un seuil moyen d’émissions de CO2. En 2025, ce seuil passera de 95 à 81 grammes de CO2 par kilomètre pour les voitures neuves. Tout dépassement entraînera des amendes de 95 euros par gramme excédentaire par véhicule vendu. Selon les estimations, les constructeurs risquent des sanctions évaluées à 50 milliards d’euros entre 2025 et 2029.

Ces nouvelles exigences exacerbent les difficultés des fabricants, déjà éprouvés par une érosion des ventes de véhicules électriques. La part de marché des voitures électriques en Europe, qui a culminé à environ 13,6 % en 2022, est retombée à 12,6 % en 2023. Cette stagnation met en péril l’équilibre nécessaire pour compenser les émissions des modèles thermiques encore largement produits, et dont les moteurs ont pourtant déjà largement été améliorés pour correspondre aux normes actuelles.

Les freins structurels à la transition écologique

Le succès des véhicules électriques repose sur plusieurs facteurs clés, lesquels rencontrent des difficultés :

Des scénarios aux enjeux majeurs

Pour échapper aux amendes, les constructeurs envisagent plusieurs options :

  1. Réduction de la production de véhicules thermiques : cette stratégie pourrait limiter les émissions moyennes, mais elle entraînerait des conséquences économiques graves. La suppression de deux millions de véhicules thermiques et 700 000 utilitaires correspondrait à la fermeture de huit usines européennes, menaçant directement des milliers d’emplois.
  2. Rachat de crédits carbone : cette option consiste à acheter des quotas à des concurrents plus avancés sur l’électrique, comme Tesla ou Geely. Toutefois, elle s’apparente à subventionner la concurrence internationale, ce qui affaiblirait l’industrie européenne.
  3. Baisse des prix des véhicules électriques : cette solution permettrait de stimuler les ventes pour atteindre une part de marché de 22 %, contre 12,6 % actuellement. Cependant, elle nécessiterait des subventions massives que les États européens réduisent actuellement.
  4. Augmentation des subventions publiques : bien que présentée comme une solution possible, cette approche semble peu probable dans un contexte de rigueur budgétaire et de priorités concurrentielles variées.

Une stratégie collective pour éviter les sanctions

Face à cette impasse et aux difficultés actuelles du secteur, l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) plaide pour un report du durcissement des normes en s’appuyant sur l’article 122.1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Cette procédure d’exception permettrait de différer l’application des règlements en cas d’urgence, évitant ainsi des amendes jugées contre-productives. Cependant, la Commission européenne a jugé ce débat prématuré, préférant attendre la fin de l’année 2025 pour évaluer les émissions effectives.

L’exemple contrasté de Stellantis

Tous les constructeurs ne sont pas exposés aux risques de manière égale. Stellantis, dirigé par Carlos Tavares, a publiquement déclaré son opposition à tout assouplissement de la norme CAFE et prône le maintien du calendrier, contrastant avec les positions des autres constructeurs. Le groupe affirme que la préparation à cette transition était prévisible et qu’un changement de cap fragiliserait l’innovation.

Stellantis mise sur une stratégie offensive, prévoyant le lancement de 30 modèles électriques et hybrides sous 15 marques différentes. Cette politique pourrait permettre au groupe automobile de répondre aux nouvelles exigences, à condition que la demande en véhicules électriques redémarre.

Conclusion : un défi monumental

Le durcissement des normes CAFE représente un défi sans précédent pour l’industrie automobile européenne. La transition vers l’électrique est incontournable, mais les obstacles structurels et financiers rendent son accélération difficile. Si des ajustements ne sont pas envisagés rapidement, l’Europe pourrait être confrontée à une désindustrialisation partielle de ce secteur stratégique. Une réflexion urgente est nécessaire pour concilier ambitions climatiques et réalités économiques. Car sans mesures d’accompagnement renforcées, le coût social et économique pourrait être très lourd. L’issue de ce bras de fer avec l’Union européenne déterminera l’avenir de l’industrie automobile sur le continent.

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