
Peugeot doit verser 3,3 millions d’euros à Piaggio pour contrefaçon du modèle MP3
22 octobre 2024 Assurance Scooter
En octobre 2024, la Cour d’appel de Paris a infligé une lourde sanction à Peugeot Motocycles pour contrefaçon de brevet, l’obligeant à verser 3,3 millions d’euros à son concurrent italien Piaggio. Ce jugement vient s’ajouter à un précédent rendu par la Cour de cassation italienne en mai, portant la somme totale due par Peugeot à Piaggio à plus de 4 millions d’euros. Cette affaire conclut un long différend juridique opposant les deux fabricants, focalisé sur le brevet du système de blocage de l’inclinaison du scooter trois-roues Piaggio MP3, que Peugeot aurait reproduit sur son modèle Metropolis.
L’origine du conflit : le brevet du système Roll Lock
Le litige débute en 2014, lorsque Piaggio accuse Peugeot de contrefaçon sur quatre de ses brevets intégrés dans le scooter MP3, pionnier des trois-roues lancé en 2006. Le brevet principal au cœur du débat concerne le Roll Lock, une technologie permettant au MP3 de maintenir son équilibre à l’arrêt sans nécessiter de poser pied à terre. En reproduisant ce concept sous l’appellation Anti-Tilting sur son Metropolis, Peugeot Motocycles a permis aux conducteurs d’utiliser un système similaire de blocage du train avant inclinable, facilitant l’équilibre du scooter. Ce mécanisme, visuellement très semblable, est aujourd’hui jugé en violation du brevet original de Piaggio, un brevet essentiel qui a contribué au succès du MP3.
La riposte judiciaire et les premières condamnations
Suite aux accusations de Piaggio, Peugeot Motocycles a d’abord tenté de contester les revendications en saisissant les juridictions françaises et italiennes, en vain. La justice italienne a statué en faveur de Piaggio dès 2021 en interdisant temporairement la commercialisation du Metropolis en Italie, sauf modification de ses technologies. Peugeot Motocycles a dû verser une première somme d’un million d’euros en dommages et intérêts, assortie d’une astreinte en cas de vente persistante en Italie.
En parallèle, Peugeot continuait de vendre le Metropolis en France, où le service commercial soutenait que les brevets étaient respectés. Malgré cette confiance affichée, Peugeot a été à nouveau débouté en mai 2024 par la Cour de cassation italienne, confirmant la première décision et ajoutant une amende supplémentaire. Cette décision a marqué la fin de tous les recours en Italie.
La condamnation finale en France et ses implications financières
Le 16 octobre 2024, la Cour d’appel de Paris a conclu à la contrefaçon de brevet et a condamné Peugeot Motocycles à verser 3,3 millions d’euros de plus à Piaggio. Les tribunaux français et italiens étant maintenant alignés sur cette affaire, Peugeot est confronté à un total de 4,3 millions d’euros à régler. Bien que conséquente, cette somme aurait été provisionnée par l’entreprise, maintenant sous la gestion du fonds allemand Mutares, en anticipation des décisions judiciaires défavorables. Toutefois, Peugeot est autorisé à poursuivre la vente de son Metropolis en France, où la cour n’a pas imposé d’interdiction de commercialisation.
Contexte économique et impact sur les salariés de Peugeot Motocycles
Cette condamnation intervient dans un contexte déjà tendu pour Peugeot Motocycles. En effet, depuis août 2024, l’usine de Mandeure (Doubs) est à l’arrêt. La montée en exigence des normes antipollution prévues pour janvier 2025 et une baisse des ventes ont conduit la direction à suspendre temporairement la production. Actuellement, 150 salariés sont en chômage partiel, avec une indemnisation de 96% de leur salaire. L’annonce du jugement parisien a prolongé cette suspension jusqu’en février 2025, suscitant l’inquiétude parmi le personnel et les syndicats.
La bataille des trois-roues : comparaison avec les autres acteurs
Alors que le marché des scooters trois-roues se diversifie, d’autres acteurs ont développé des technologies similaires sans être impliqués dans des litiges de brevet. Par exemple, le Yamaha Tricity 300 utilise un système de « Standing Assist » qui stabilise le train avant sans le bloquer complètement, une technologie suffisamment différente pour éviter toute confrontation avec Piaggio. De son côté, le Qooder QV3, ex-Quadro, se stabilise naturellement grâce à un système d’amortisseurs hydropneumatiques, éliminant tout besoin de blocage électrique.
Ces solutions alternatives démontrent la complexité technique et le potentiel d’innovation dans ce segment de marché, mais elles mettent également en évidence le soin requis pour éviter toute infraction de brevet.
Pour conclure
L’affaire entre Peugeot et Piaggio met en lumière les enjeux juridiques, financiers et technologiques auxquels sont confrontés les constructeurs de deux et trois-roues. La protection des brevets joue un rôle clé dans la compétitivité et l’innovation des marques. En dépit des lourdes sanctions, Peugeot peut encore compter sur le marché français pour le Metropolis, mais devra repenser sa stratégie de développement pour éviter de nouveaux conflits et répondre aux exigences croissantes des régulations environnementales. Ce verdict rappelle que la contrefaçon, volontaire ou non, expose les entreprises à des conséquences juridiques et économiques considérables, parfois durables, et peut affecter l’ensemble de la chaîne de production et les employés qui en dépendent.
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